Januar 29. 2025

Obligations convertibles inverses et abus de droit

Share

Le Conseil d'Etat considère que la mise en place d'actions convertibles inverses accompagnées de divers contrats d'option de vente et d'achat peut être constitutive d'un abus de droit fiscal sur le fondement de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales (Conseil d'Etat, 20 décembre 2024, n° 475927).

1.  Faits et procédure

La société française X. SAS, filiale du groupe allemand X. AG, a procédé en 2011 à l’émission de titres de dette sous la forme d’obligations convertibles inverses (OCI, en anglais Reverse Convertible Notes), pour un montant de 150 millions d'euros. La particularité de cet instrument est que la conversion des OCI en actions est effectuée à l'initiative de l'émetteur et non du porteur des obligations. Les OCI ont été souscrites par la succursale allemande de la banque Y. selon les termes et conditions suivants :

  • valeur nominale : 150 millions d'euros ;
  • intérêt annuel : 9,13% ;
  • maturité : 5 ans ;
  • rapport de conversion en actions de la société française X. SAS : 38,122 actions pour une obligation.

Concomitamment, la filiale allemande de la société Y. a conclu avec la société néerlandaise X. BV, filiale de X. AG, un contrat d'option de vente (Put Option Agreement) portant notamment sur la cession, pour un prix fixe de 150 millions d'euros, des actions qu'elle était susceptible de recevoir de la société X. SAS en cas de conversion des obligations souscrites. En contrepartie de cette option, la société X. BV a perçu de la société Y. une rémunération de 5,1% par an, assise sur un montant de 150 millions d'euros.

Enfin, la société X. AG a apporté sa garantie à la banque Y. de la bonne exécution du contrat d'option de vente et a conclu un contrat d'option d'achat lui donnant le droit d'acquérir auprès de la société Y. les actions de la société X. SAS, en cas d'exercice de la clause de conversion des obligations, si l'option de vente à la société X. BV mentionnée ci-dessus n'était pas exercée par la société Y. La société X. AG a également accordé à la société Y. un prêt de titres pour un montant de 125 millions d'euros.

L'administration fiscale, suivant l'avis du Comité d'abus de droit fiscal (Affaire n° 2017-33), a estimé que l'articulation des différents contrats privait la clause de conversion dont était assortie l'émission des obligations en cause de tout intérêt pour la banque et pour le groupe X. dès lors que l'option de vente la garantissait de tout risque économique. Elle a par ailleurs constaté, d'une part, que la société X. SAS supportait une charge d'intérêts calculée sur la base d'un taux de 9,13% alors que la société X. BV, qui recevait une prime de 5,1% à raison de l'option de vente souscrite par la société Y., n'était pas imposée sur ce produit aux Pays-Bas et, d'autre part, que si la société X. AG avait consenti un prêt direct à sa filiale française, celle-ci n'aurait été autorisée à déduire qu'une charge d'intérêts calculée sur un taux d'environ 4% en application des règles prévues à l'article 212 du CGI. Elle en a conclu que l'interposition de la banque et de la clause de conversion étaient artificielles et avaient pour seul objet de dissimuler un financement intragroupe sans composante de conversion dans un but exclusivement fiscal. L'administration fiscale a réintégré au résultat imposable de la société X. SAS, au titre de l'exercice clos en 2011, les intérêts versés à la société Y. supérieurs à 5,1%, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

A la suite du contrôle, la société X. SAS a réintégré les intérêts excédentaires par le dépôt de déclarations rectificatives afférentes (i) aux exercices 2012 et 2013 contrôlés et (ii) aux exercices ultérieurs.

La société X. SAS sollicite la décharge des pénalités relatives à l'abus de droit (majoration de 80%), ainsi que la décharge des intérêts de retard et la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution exceptionnelle sur cet impôt et de contributions sociales acquittées selon elle à tort au titre des exercices clos de 2012 à 2016 en conséquence de la limitation de la déduction des intérêts qu'elle avait supportés.

Le tribunal administratif de Montreuil et la cour administrative d'appel de Paris (arrêt n° 20PA04068 et n° 21PA05182 du 12 mai 2023) ont rejeté les demandes du contribuable quant à la décharge des impositions et pénalités.

2.  Analyse du Conseil d’Etat

Le Conseil d'Etat confirme le raisonnement de l'administration fiscale et des juges du fond et considère que l'articulation des différents contrats privait la clause de conversion de toute substance économique réelle. La Haute juridiction relève que selon l'analyse de la cour administrative d'appel de Paris, l'entrée effective de la société Y. au capital de la société X. SAS était de fait rendue impossible, de sorte que la banque ne pouvait être regardée, en l'absence de toute prise de risque en capital, comme étant véritablement partie à la clause de conversion.

Par ailleurs, la société X. BV, regardée comme la souscriptrice de la clause de conversion, ne supportait aucun risque de perte en capital dès lors que la société X. AG, associée unique des sociétés X. SAS et X. BV, disposait du pouvoir de décider, à tout moment, de l'émission de nouveaux titres de la société X. SAS et de leur souscription par la société X. BV.

X. BV, en tant que souscriptrice de l’option de vente, ne supportait donc aucun risque supplémentaire, ce qui justifiait la qualification de montage artificiel poursuivant une finalité exclusivement fiscale.

Le Conseil d'Etat confirme donc l'arrêt d'appel en écartant la stipulation de clause de conversion et réaffirme la réintégration de la part des intérêts versés par la société X. SAS à la société Y. à hauteur de la quote-part de 5,1% du taux d'intérêts appliqué.

verwandte Beratungsfelder und Industrien

Beratungsfelder

Industrien

Stay Up To Date With Our Insights

See how we use a multidisciplinary, integrated approach to meet our clients' needs.
Subscribe