noviembre 26 2024

Réduction de capital par rachat de parts sociales imposée en plus-value avec abattement renforcé et absence d’abus de droit

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Le tribunal administratif de Montreuil (TA de Montreuil, 7 novembre 2024, n° 2215137) et le tribunal administratif de Dijon (TA de Dijon, 7 novembre 2024, n° 2300708) ont jugé dans deux décisions rendues le même jour, conformément à la position du comité de l’abus de droit fiscal, que des opérations de réduction de capital par rachat de parts sociales ne constituent pas un abus de droit.

Ces deux décisions s’opposent à la tendance jurisprudentielle d’autres tribunaux administratifs qui qualifiaient récemment de telles opérations d’abusives (TA de Montpellier, 12 février 2024, n°2201983 et TA de Bordeaux, 17 octobre 2024, n°2205287).

1. Faits et procédure

Dans les deux cas, des SARL ont fait l’objet d’une vérification de comptabilité à la suite de réductions de capital.

Dans l’affaire soumise au tribunal administratif de Montreuil, une SARL détenue par deux co-gérants a effectué une réduction de capital à la suite de la cession de son principal actif pour un prix de 3 300 000 € le 5 février 2015. Par délibération de l’assemblée ordinaire générale, la SARL a décidé d’affecter le bénéfice net comptable de l’exercice clos au 30 septembre 2015 d’un montant de 1 679 247 € au compte « autres réserves ». Le 2 novembre 2015, les deux associés de la SARL ont décidé, d'une part, de procéder à une réduction de capital de la société non motivée par des pertes, lequel est ramené au montant de 30,50 €, sous deux conditions suspensives de rachat par la société de 498 de leurs parts sociales pour un montant de 1 900 000 € et d'absence d'opposition des créanciers et, d'autre part, de procéder à une augmentation du capital social par incorporation des réserves. Par une proposition de rectification du 30 juillet 2018, l’administration a estimé qu’était constitutive d’un abus de droit, l’opération de réduction de capital par rachat de titres de la SARL, immédiatement suivie d’une augmentation de capital et a en conséquence écarté la qualification de plus-value réalisée par l’un des associés avec application de l’abattement « renforcé » de 85%.

Le comité de l’abus de droit fiscal, saisi par le contribuable (avis n° 2020-24), a considérée « qu’en présence d’une opération de rachat par une société à un associé, détenant à parité avec un autre associé la totalité du capital et qui en est le cogérant, d’une partie de ses titres suivie de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes, l’appréhension par cet associé des sommes qui lui sont versées à raison de ce rachat ne caractérise pas un abus de droit au seul motif qu’il aurait ainsi choisi la voie la moins imposée pour bénéficier de la mise à disposition de sommes issues des réserves de la société ».

L’administration n’a pas suivi cette position.

Dans l’affaire soumise au tribunal administratif de Dijon, un associé d’une SARL détenait 499 des 500 parts sociales représentant le capital social, d’un montant de 8 000 €. La part restante était détenue par son épouse. Par délibérations des 26 avril et 22 juin 2016, l’assemblée générale des associés a décidé de procéder à une réduction du capital social d’un montant de 6 000 € par rachat de 375 des 499 parts de l’associé, pour un montant total de 800 000 €.

Le gain retiré de cette opération, d’un montant de 794 275 €, a fait l’objet d’un abattement « renforcé » de 85 %, et a été déclaré comme une plus-value pour un montant net de 119 141 €.

L’administration fiscale a écarté la qualification de plus-value sur le fondement de l’abus de droit.

Le comité de l’abus de droit fiscal, saisi par le contribuable (avis n° 2021-24), a considéré « qu’en présence d’une opération de rachat par une société à son associé, détenant la quasi-totalité du capital et qui la dirige, d’une partie de ses titres suivie de leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes, l’appréhension par cet associé des sommes qui lui sont versées à raison de ce rachat ne caractérise pas un abus de droit au seul motif qu’il aurait ainsi choisi la voie la moins imposée pour bénéficier de la mise à disposition de sommes issues des réserves de la société. ».

L’administration n’a pas suivi cette position.

2. Décision des tribunaux administratifs

Les tribunaux administratifs de Montreuil et de Dijon considèrent que les opérations contestées par l’administration n’étaient pas constitutives d’un abus de droit.

Le tribunal administratif de Montreuil relève que si l’administration fait valoir que la société n’a jamais exercé d’activité avec des fonds propres surévalués, elle ne conteste pas sérieusement qu’à la suite de cette cession et de la perte de son activité principale, la SARL disposait de capitaux propres hors de proportion avec le périmètre commercial de son activité subsistante et que l’opération de rachat par la société de ses propres titres a eu pour effet de diminuer les capitaux propres, lesquels sont évalués à 115 383 € après l’opération litigieuse et constituent un montant suffisant pour la poursuite de ses activités. Par conséquent, la réduction de capital de la société, par voie de rachat des titres suivi de leur annulation, a poursuivi au moins en partie une finalité économique propre et ne peut être regardée comme ne répondant à aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales de l’associé. En dépit de la concomitance des opérations et de l’absence de modification du nombre d’associés et de la répartition de capital entre les associés et alors même que l’opération de réduction de capital a porté sur un faible montant, l’opération litigieuse ne constitue pas un montage artificiel dépourvu de toute substance économique et poursuivant un but exclusivement fiscal.

Le tribunal administratif de Dijon relève que l’administration se borne à alléguer l’absence de surcapitalisation et à nier l’existence d’un excès de capitaux propres et de liquidités, sans l’établir, alors que la charge de la preuve lui incombe, et alors qu’une telle preuve lui était le cas échéant facilement accessible, notamment par l’analyse des bilans de la société. En particulier, si l’administration a procédé à l’analyse de quelques agrégats et ratios dans la réponse aux observations du contribuable, il ressort de ceux‑ci que l’opération n’a dégradé ni la trésorerie de la société, ni le ratio d’indépendance financière, l’une et l’autre élevés avant la réduction de capital et qui se sont reconstitués très rapidement à l’issue de celle-ci, atteignant des niveaux du même ordre qu’auparavant. Enfin, les contribuables mettaient en avant le fait que, dans une logique de transmission, l’excès de capitaux propres et de liquidités était de nature à rendre une éventuelle acquisition plus difficile, ce qui n’était pas sérieusement contesté par l’administration. Ainsi, le tribunal administratif considère que l’unique opération de rachat de ses propres titres par la SARL à l’associé et leur annulation dans le cadre d’une réduction de capital n’avait pas un but exclusivement fiscal.

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