Procédure fiscale : obligation de motivation de la réponse aux observations du contribuable par l'administration fiscale
La Cour administrative d'appel de Paris rappelle à l'administration fiscale son obligation de motivation de la réponse aux observations du contribuable sous peine d'entacher la procédure d'irrégularité (CAA Paris, 13 février 2025, n° 23PA02734).
Rappel des principes applicables :
Afin de permettre au contribuable d'exercer pleinement ses droits de la défense dans le cadre d'un redressement, l'administration fiscale est tenue, en vertu des dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ("LPF"), à une obligation de motivation de ses propositions de rectification.
Cette obligation de motivation est précisée à l'article R.57-1 du LPF. L'administration fiscale doit exposer de manière claire et précise, la nature, les motifs ainsi que le montant des rectifications envisagées.
Lorsque le contribuable exerce son droit de réponse dans le cadre des observations du contribuable, l'administration fiscale est également tenue de motiver tout éventuel rejet de ces observations. Cela suppose un examen attentif des arguments avancés par le contribuable, en tenant compte des dispositions légales en vigueur.
Faits et procédure :
Une société holding a fait l'objet d'un contrôle fiscal portant sur la cession et l'évaluation des actions d'une société cible. Deux opérations ont été successivement réalisées sur ces titres, à un jour d’intervalle :
- Le 28 mai 2015, l'ancien dirigeant de la société cible, a cédé 900 actions à la société au prix unitaire de 529 €.
- Le 29 mai 2015, l'associé unique de la société holding a apporté 1 000 actions de la même société à la société holding, pour une valeur identique de 529 € par titre.
Lors de vérifications menées auprès de différentes sociétés, l’administration fiscale a découvert un rapport d’expertise réalisé en mars 2015 qui estimait la valeur des actions à 979,50 € l’unité, soit un écart significatif avec le prix effectivement retenu. Sur cette base, l’administration a considéré que l'ancien dirigeant avait consenti une libéralité à la société et que, par ricochet, l’apport effectué par l'associé unique de la société holding avait été sous-évalué.
En conséquence, l’administration a adressé à la société holding une proposition de rectification visant à réintégrer l’écart d’évaluation à son actif. Par un jugement du 20 avril 2023, le tribunal administratif a rejeté la demande de la société holding tendant à obtenir la décharge du supplément d’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2015.
La société interjette appel en contestant l'utilisation du rapport d'évaluation pour plusieurs raisons et relève également l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification de la réponse aux observations du contribuable.
Arrêt de la CAA de Paris :
La Cour vient faire droit à la demande de la société et relève que face aux interrogations précises de la société sur la méthodologie d'évaluation des titres, l'administration s'est contentée de renvoyer le contribuable vers une société tierce, sans répondre sur le fond aux questions posées. Cette carence caractérise un défaut de motivation de la réponse aux observations du contribuable, entachant d'irrégularité la procédure d'imposition.
Note : La société holding a émis des remarques précises et techniques concernant la méthode d'évaluation retenue par l'administration. Ses questionnements légitimes portaient sur plusieurs aspects clés, notamment la détermination de l'actif net corrigé, l'estimation du fonds de commerce, la justification d'une plus-value latente et d'une survaleur représentant 95 % du bénéfice net moyen, ainsi que certains paramètres techniques comme le taux d'actualisation et les coefficients de pondération des différentes méthodes utilisées.