Exigibilité des loyers commerciaux en période de pandémie de la COVID-19 : Premier arrêt en faveur d’un bailleur rendu au fond par une Cour d’appel
Selon la Cour d’appel de Grenoble, ni l’exception d’inexécution, ni l’incidence de la force majeure, ni le « fait du prince » ne peuvent être valablement invoqués par le preneur pour se soustraire au paiement de son loyer en période de pandémie de la COVID-19.
La Cour d’appel de Grenoble a, récemment, eu à connaitre d’une affaire au fond dans laquelle le preneur, exploitant d’une résidence de tourisme, contestait devoir payer ses loyers pendant la première période de fermeture administrative liée à la pandémie COVID-19. Pour ce faire, il invoquait notamment la force majeure, le « fait du Prince » ainsi que, l’exception d’inexécution, au motif d’un prétendu manquement du bailleur à son obligation continue de délivrance des locaux loués (et d’en assurer la jouissance paisible) (CA Grenoble, 05-11-2020, n° 16/04533).
Pour rejeter sa demande, la Cour d’appel considère que le bail commercial n’avait pas subordonné le paiement des loyers à une occupation particulière des locaux, ni à aucun taux de remplissage. Dans les faits, même si les résidences de tourisme ont été contraintes de fermer, l’impossibilité pour le bailleur de mettre à disposition les locaux ne résultait pas de son fait, mais des mesures administratives prises par le Gouvernement. Par suite, la Cour d’appel a considéré qu’il ne résultait d’aucun élément du dossier que le bailleur ait manqué à ses obligations contractuelles rendant impossible l’exercice de son activité. L’exception d’inexécution qui était invoquée par le preneur pour refuser le paiement du loyer était dès lors inopposable au bailleur.
Dans le prolongement de ce qui précède, la Cour d’appel a balayé l’argument du « fait du Prince », mal fondé selon elle, au motif qu’il s’agissait d’une théorie jurisprudentielle concernant les rapports entre une personne morale de droit public et son co-contractant, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Enfin, sur le fondement cette fois de la force majeure, la Cour d’appel a rejeté le moyen au motif que le preneur n’avait pas démontré l’existence de difficultés de trésorerie qui auraient rendu impossible le paiement des loyers. En outre, la Cour rappelle, que l’article 10 du décret n°2020-548 du 11 mai 2020 modifié le 20 mai 2020, tout en interdisant l’accueil du public dans les résidences de tourisme, avait prévu une dérogation concernant les personnes y élisant domicile. Une activité était donc possible pour ces résidences même si elle était réduite.
C’est ainsi, que la Cour d’appel de Grenoble a jugé que le preneur ne pouvait invoquer ni l’exception d’inexécution, ni le « fait du Prince », ni la force majeure pour s’opposer au paiement des loyers durant la première période de fermeture administrative imposée en raison du COVID-19. Il s’agit ici du premier arrêt rendu par une Cour d’appel statuant au fond sur le sujet épineux des loyers commerciaux impayés et qui se prononce très nettement en faveur du bailleur.
Il sera intéressant de voir si la position de la Cour d’appel de Grenoble, très favorable au bailleur, sera confirmée dans de prochaines décisions. Les suites jurisprudentielles de cet arrêt sont donc à suivre.