November 26, 2024

Décision Foncière Vélizy Rose : le Conseil d’État apporte des précisions sur la condition de bénéficiaire effectif en matière de distributions de dividendes

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Dans une décision importante qui sera publiée au Recueil (CE, 8 novembre 2024, n° 471147, Sté Foncière Vélizy Rose), le Conseil d’État se prononce sur plusieurs questions clés concernant la condition de bénéficiaire effectif dans le cadre de distributions transfrontalières de dividendes, en particulier au regard de l’exonération de retenue à la source prévue à l’article 119 ter du CGI.

1. Faits et procédure

La société française Foncière Vélizy Rose (FVR) a versé en 2014 une avance sur dividendes à son associé unique, la société luxembourgeoise Vélizy Rose Investment SARL (VRI). FVR a appliqué l’exonération de retenue à la source en vertu de l’article 119 ter du CGI.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause cette exonération estimant que VRI n’était pas le bénéficiaire effectif des dividendes. FVR s’est vue notifier des rappels de retenues à la source assortis d’une majoration de 10%. Après le rejet de ses recours par le tribunal administratif de Montreuil et la cour administrative d’appel de Paris, FVR s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.

2. Analyse du Conseil d’État

  • Autonomie de la notion de bénéficiaire effectif vis-à-vis de l’abus de droit

    Le Conseil d’État rappelle tout d’abord que la notion de bénéficiaire effectif est autonome et indépendante vis-à-vis de la procédure d’abus de droit prévue par l’article L. 64 du LPF. Contrairement à l’argument avancé par la société requérante, l’administration fiscale peut ainsi écarter la qualité de bénéficiaire effectif sans recourir à la procédure spécifique de l’abus de droit.
  • Faisceau d’indices pour identifier le bénéficiaire effectif

    Pour confirmer que VRI n’était pas le bénéficiaire effectif des dividendes (et que l’exonération prévue à l’article 119 ter du CGI n’était donc pas applicable), le Conseil d’État se fonde sur un faisceau d’indices :
    • VRI détenait l’intégralité du capital de FVR ;
    • L’avance sur dividendes a été reversée dès le lendemain à l’associée unique de VRI (la société luxembourgeoise Dewnos Investment) ;
    • VRI ne disposait pas d’autres fonds disponibles ;
    • VRI n’avait pas d’autre activité que celle de porter les titres de FVR.

    Il est intéressant de noter que la rapporteure publique souligne dans ses conclusions sur cette affaire que la recherche du bénéficiaire effectif dépend « d’appréciations propres non seulement à chaque configuration d’acteurs, mais plus spécifiquement encore à chaque flux de revenus », de sorte que les critères mis en avant dans la décision ne sauraient être considérés comme exhaustifs. Elle ajoute à cet égard qu’il « apparaît néanmoins peu douteux que le concept de bénéficiaire effectif mettra au défi la situation de certaines holdings, en particulier intermédiaires, même pourvues d’une certaine substance économique ». Une appréciation au cas par cas apparaît en conséquence systématiquement nécessaire.

  • Absence de différence de traitement entre dividendes intra-communautaires et internes

    La société requérante invoquait par ailleurs une atteinte à la liberté d’établissement, estimant que les sociétés-relais européennes étaient traitées moins favorablement que les sociétés françaises dans le cadre du régime mère-fille dans la mesure où la condition de bénéficiaire effectif est absente des articles 145 et 216 du CGI.

    Le Conseil d’État rejette cet argument, considérant que tant l’article 119 ter que les articles 145 et 216 du CGI sont conformes à la directive mère-fille, de sorte qu’il ne peut y avoir d’atteinte à la liberté d’établissement.

    Cette position laisse toutefois subsister un doute sur l’existence d’une condition implicite de bénéficiaire effectif dans les distributions internes. Il conviendra d’attendre sur ce point l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne.

  • Extension de la jurisprudence Planet aux distributions de dividendes

    Sur le terrain des conventions fiscales, le Conseil d’État admet enfin que l’éventuelle convention conclue entre la France et l’État de résidence du bénéficiaire effectif des dividendes (vs. le bénéficiaire « apparent ») est susceptible de s’appliquer, quand bien même les dividendes auraient été versés à un intermédiaire établi dans un État tiers.

    La décision constitue ainsi une extension bienvenue du champ de la jurisprudence Planet aux dividendes (CE, 20 mai 2022, n° 444451, Sté Planet – à propos de redevances).

    Au cas particulier, on relèvera toutefois que les deux bénéficiaires effectifs identifiés n’ont visiblement pas fourni durant la procédure les éléments nécessaires à la démonstration de leur résidence fiscale (en l’occurrence au Luxembourg et en Allemagne), de sorte que le Conseil d’État leur refuse in fine l’application des dispositions favorables respectivement (i) de la convention fiscale franco-luxembourgeoise et (ii) de la convention franco-allemande. Le Conseil d’État rejette ainsi le pourvoi de la société FVR. 

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