Conséquences fiscales de la conclusion d'un protocole transactionnel conclu postérieurement à la cession de titres sur l'imposition de la plus-value
La Cour administrative d'appel de Nancy confirme que la plus-value réalisée lors d'une cession de titres est imposable au titre de l'année au cours de laquelle l'opération intervient et que le paiement effectif du prix est sans incidence sur l'imposition (Cour administrative d'appel de Nancy, 27 février 2025, n° 22NC01632).
Rappel des principes applicables :
L’article 150-0 A du Code général des impôts (« CGI ») prévoit que les gains nets retirés des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières et droits sociaux sont soumis à l’impôt sur le revenu. Conformément à l’article 1583 du Code civil, la cession est réalisée dès lors qu’il y a accord sur la chose et sur le prix, indépendamment des modalités de paiement. En conséquence, la plus-value est imposable au titre de l’année au cours de laquelle la cession est juridiquement intervenue.
L’administration fiscale admet cependant, dans certaines circonstances, qu’un contribuable puisse demander un dégrèvement lorsque la cession est annulée, résolue ou rescindée (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-10, n° 70 du 20 décembre 2019).
Faits et Procédure :
A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, par des propositions de rectification du 19 décembre 2014, imposé la plus-value de cession de droits sociaux réalisée par les contribuables à l'occasion de la vente d'actions détenues dans diverses sociétés.
Estimant que la majeure partie du prix de vente n'a pas été honorée et que seul le montant réellement perçu doit faire l'objet d'une imposition, le Tribunal administratif de Strasbourg a, par un jugement du 20 février 2018, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 20 juin 2019, rejeté la demande des contribuables tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales.
Par suite, les contribuables ont conclu un protocole transactionnel avec la société cessionnaire, le 24 février 2020, visant à mettre un terme au litige les opposant relativement au paiement de la dette de la société cessionnaire s'élevant à hauteur de 358 574,59 €, en réglant la somme globale et définitive de 90 000 € pour solde de tout compte. En échange, le créancier s'engage à se désister de l'action judiciaire qu'il a engagée.
Les contribuables ont à nouveau saisi le Tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté leur demande en se prévalant de la conclusion de l'accord transactionnel afin de solliciter la restitution de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales versées.
Les contribuables ont interjeté appel devant la Cour administrative d'appel de Nancy en estimant notamment :
- que la diminution du prix de cession des droits sociaux, actée dans le protocole transactionnel, devait nécessairement entraîner une diminution de la plus-value initialement imposée ;
- pouvoir se prévaloir de la doctrine administrative (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-10 n° 70) qui autorise le dégrèvement de l'imposition initialement établie lorsque l'acte est révisé en conséquence du non-paiement des sommes dues par le débiteur.
Arrêt de la CAA de Nancy :
En premier lieu, la Cour rappelle que la plus-value de cession de titres est imposable au titre de l'année au cours de laquelle est intervenu l'accord sur la chose et le prix, indépendamment des modalités de paiement ultérieures. Par conséquent, la Cour considère que le protocole transactionnel signé postérieurement à l'année de réalisation de la plus-value est dépourvu d'incidence sur le bien-fondé de son imposition et ne permet pas non plus d'obtenir une nouvelle détermination de la base imposable.
En outre, la Cour constate, en l'espèce, que le protocole vise à mettre un terme au litige relatif au paiement de la dette du cessionnaire, par lequel ce dernier s'engage à régler une somme forfaitaire pour solde de tout compte, en échange d'un désistement de l'action judiciaire engagée par le créancier.
Aussi, contrairement à ce que soutiennent les contribuables, le protocole transactionnel « ne comporte aucune modification du prix de cession des parts sociales litigieuses et n'emporte ni annulation, ni rescision, ni résolution de la vente conclue le 2 janvier 2013 ».
Par conséquent, la Cour approuve les premiers juges en considérant que, pour bénéficier de la doctrine administrative précitée, le contribuable doit remettre en cause formellement le prix de cession ou la validité de l'opération litigieuse. À défaut, la conclusion d'un simple accord transactionnel, prévoyant un règlement forfaitaire pour clore un litige, ne permet pas de réviser l'imposition afférente.