March 18, 2025

Déductibilité des intérêts portant sur les obligations convertibles : validation de l'utilisation du logiciel Standard et Poor's Capital IQ

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Par un arrêt du 28 janvier 2025, le Tribunal administratif de Cergy Pontoise (n°2100034) approuve l'utilisation du logiciel Standard et Poor's Capital IQ pour justifier le taux d'intérêt d'obligations convertibles.

Rappel des principes applicables :

En application des articles 212 et 39, 1.3° du CGI, le tribunal soulève que le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. L'entreprise emprunteuse peut en apporter la preuve par tout moyen.

Pour apporter cette preuve, l'entreprise emprunteuse peut notamment s'appuyer sur les taux d'emprunts bancaires accordés, dans des conditions de pleine concurrence, à des sociétés relevant comme elle du secteur non financier, ayant obtenu des notes de crédit voisines de celle qui peut être déterminée pour elle, alors même que ces autres sociétés appartiendraient à des secteurs d'activité hétérogènes, dès lors que les systèmes de notation de crédit élaborés par les agences de notation visent à comparer les risques de crédit des entreprises notées après prise en compte, notamment, de leur secteur d'activité. L'entreprise emprunteuse peut également tenir compte du rendement d'emprunts obligataires émanant d'entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l'hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.

Faits et procédure :

Une holding animatrice également tête de groupe d'intégration fiscale, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. A l'issue de ce contrôle et aux termes d'une proposition de rectification du 22 décembre 2017, l'administration fiscale a notamment rectifié ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés des exercices 2014, 2015 et 2016 par application aux intérêts servis à un fonds commun de placement à risque (FCPR) du mécanisme de plafonnement des charges financières au taux de marché prévu par l'article 212, I, a du CGI.

Arrêt de la CAA de Paris :

En l'espèce, l'opération comprenait un crédit de pool bancaire de 34 millions d'euros et deux emprunts obligataires d'une durée de 12 ans et pour des montants respectifs de 20 millions et de 10 millions d'euros, chacune de ces obligations étant convertibles en actions ordinaires souscrites par le FCPR au taux de 10%, et enfin, par l'émission d'un emprunt obligataire d'un montant de 11 millions d'euros par émission d'obligations auxquelles sont attachés de bons de souscription d'actions ordinaires, souscrites par le FCPR et rémunérés au taux de 13%. L'administration a remis en cause la déductibilité d'une partie des intérêts versés au FCPR, actionnaire majoritaire, que la société requérante avait déduits dans son intégralité, au motif que le taux de 10% était supérieur à celui prévu au 3° du 1 de l'article 39 du CGI, sans être justifié. Elle a ainsi appliqué pour les charges financières en litige, le taux de la dette senior soit 3,699% (EURIBOR +3%).

Pour justifier le taux appliqué à l'emprunt litigieux, la société a notamment établi un scoring sur la base de ses comptes consolidés, en recourant à l'outil "Credit Analytic" édité par la société "Standard et Poor's Capital IQ", faisant apparaître la note de " CCC- " en 2014 et 2015 et "CCC" en 2016 au résultat net obtenu après amortissement. Compte tenu de cette notation, elle a ensuite procédé à la recherche, au moyen de l'outil d'information financière "Corporate Yield Curve", également édité par Standard et Poor's Capital IQ, des taux d'intérêts des transactions comparables impliquant des sociétés ayant une notation équivalente à celle de la société requérante, effectuées au cours des exercices 2014, 2015 ou 2016 avec un terme de 8 ans pour 2014, 7 ans pour 2015 et 6 ans pour 2016, dans la même devise et dans le secteur "Industrials". Puis, elle a procédé à un ajustement afin de prendre en compte le fait que les obligations convertibles émises par la société requérante étaient subordonnées à une dette "senior" d'une part, et, aux obligations à bons de souscription d'actions d'autre part. Il en est ressorti un taux d'intérêt médian de 20,16% en 2014, 26,26% en 2015 et 23,69% en 2016, nettement supérieur au taux de 10% en litige.

L'administration fiscale conteste la fiabilité de la méthode retenue par la société requérante en faisant valoir, en premier lieu, le manque de pertinence du recours à un logiciel de scoring. Toutefois, si le service soutient à juste titre que les notations obtenues à l'aide d'outils de ce type sont plus approximatives qu'une notation de crédit pouvant être effectuée par une agence de notation, le recours à une telle notation n'a pas nécessairement vocation à s'appliquer, compte tenu de son coût, dans une opération intragroupe. Par ailleurs, outre que l'outil utilisé tient compte du secteur d'activité concerné, qui doit être renseigné par l'utilisateur, les notations qui en sont issues, reposant sur des données issues de la comptabilité de l'entreprise, sans que cette dernière puisse modifier les paramètres utilisés par l'application, dont le service ne conteste pas la robustesse globale, peuvent être regardées comme suffisamment fiables pour justifier du profil de risque d'une société, sauf critique circonstanciée sur l'usage qui en a été fait au cas d'espèce ou éléments fournis par l'administration permettant d'établir que l'évaluation qui en résulte était erronée au cas particulier.

En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'administration, c'est à bon droit que le profil d'emprunteuse de la société a été apprécié au regard de la situation financière et économique du groupe que cette société forme avec ses filiales et en tenant compte du secteur d'activité du groupe, soit "industrials", sans qu'il y ait lieu de prendre en considération la surface financière de son actionnaire majoritaire.

Enfin, alors que le taux de pleine concurrence avancé par la société requérante comme correspondant à son niveau de risque repose sur l'exploitation de courbes de taux établies sur la base de l'ensemble des transactions recensées, pour des emprunts de même durée contractés par des sociétés de même profil de risque, dans la base de données financières Standard et Poor's Capital IQ, soit 762 entreprises en 2014 et 2015 et 771 sociétés en 2016, et qu'il n'est pas soutenu que le recensement des transactions figurant dans cette base n'était pas fiable, l'administration ne saurait utilement opposer l'absence de comparables précisément identifiés, dont elle aurait été en mesure d'apprécier la pertinence.

Dans ces conditions, au regard des seuls arguments soulevés par l'administration fiscale, laquelle ne conteste pas les paramètres retenus par la société requérante, la société tête de groupe doit être regardée comme établissant que le taux de 10% appliqué aux deux emprunts obligataires n'excède pas celui dont auraient bénéficié les opérations d'emprunt de même nature conclues par des entreprises indépendantes.

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