Evaluation des titres de sociétés et libéralité entre sociétés liées
Dans un arrêt du 6 mars 2025, la Cour administrative d'appel de Bordeaux s'est prononcée sur la méthode mathématique d'évaluation de titres de SCI utilisée par l'administration, ainsi que sur la caractérisation d'une libéralité entre sociétés liées (Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6 mars 2025, n° 22BX03066).
Faits / Procédure :
La SCI LP, dont le capital social est détenu par des personnes physiques, membres de la même famille, exerce une activité de location de biens immobiliers, par l'intermédiaire de 19 SCI au sein d'un groupe. La SCI LB, devenue société par actions, a pour activité la gestion de biens immobiliers. Le 10 janvier 2012, la présidente de la SCI LB a apporté à cette société les 75 parts sociales qu'elle détenait dans la SCI LP, à hauteur de 750 000 euros. Le 20 février 2012, la SCI LP a procédé à une distribution de dividendes en nature et en numéraire au profit notamment de la SCI LB, ayant pour objet la remise des titres de participations des 19 SCI.
Les deux sociétés ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue desquelles l'administration a considéré que les titres de la SCI LP, apportés par la présidente de la société LB à la société LB, ainsi que les titres des 19 SCI, avaient été inscrits à l'actif de son bilan pour une valeur vénale minorée, révélant une libéralité selon les dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au Code général des impôts (« CGI ») et de l'article 38-2 du même code.
La société LB relève appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux (Tribunal administratif de Bordeaux, 6 octobre 2022, n° 2004447) a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés réclamées, pour un montant global de 409 660 euros au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2012. En cours d'instance, l'administration a prononcé un dégrèvement partiel, reconnaissant le bien-fondé d'une décote pour vétusté.
Arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux :
En ce qui concerne la méthode d'évaluation des titres, la Cour confirme la méthode utilisée par l'administration, à savoir l'application de la formule suivante : (4VM + 1 VP) / 5, où la valeur mathématique globale (« VM ») est égale à 5 864 415 euros et la valeur de productivité globale (« VP ») à 14 511 968 euros. Elle a ainsi retenu, à l'issue de la pondération effectuée, une valeur globale des titres des 19 SCI détenus par la SCI LP de 7 391 278 euros, laquelle est significativement supérieure à celle de 3 132 063 euros initialement déclarée par la SCI LP.
Par ailleurs, la Cour confirme la possibilité d'appliquer une décote pour vétusté, notamment due au désamiantage des immeubles. Toutefois, les juges refusent l'application d'une décote pour occupation des locaux.
Les juges ont confirmé l'application d'une décote de 20% pour non-liquidité concernant les titres de la société LP, gestionnaire du parc de location. Toutefois, l'application de cette décote aux titres de la société gestionnaire justifie qu'elle ne puisse s'appliquer aux titres des 19 SCI.
L'administration a évalué la valeur de productivité des titres des 19 SCI en utilisant le résultat net moyen des exercices 2009 à 2011 pondéré, et un taux de capitalisation de 6,48%, basé sur un taux de rendement sans risque de 2,28%, une prime de risque de 5%, et un bêta de 0,7, correspondant à un risque propre à l'entreprise et à son secteur. Cette méthode a été jugée appropriée et aucune personnalisation des pondérations pour chaque SCI n'a été nécessaire, car toutes appartiennent à un même groupe et partagent des caractéristiques similaires, notamment dans l'activité qu'elles exercent à savoir la location de locaux commerciaux.
En ce qui concerne la caractérisation d'une libéralité :
- Concernant l'élément matériel : eu égard à une valeur mathématique des titres des 19 SCI détenues par la SCI LP de 5 864 415 euros et à la valeur de productivité de 14 511 968 euros qui a été justement retenue par l'administration, la valeur vénale de ces titres devait ainsi être fixée, après mise en œuvre de la formule (4VM + 1 VP) / 5, à 7 391 278 euros. Cela caractérise un écart significatif par rapport à la somme de 3 132 063 euros initialement déclarée par la SCI LP. Par suite, l'administration apporte la preuve de l'existence de l'élément matériel d'une libéralité consentie à la société LB.
- Concernant l'élément intentionnel : celui-ci est présumé en présence d'une relation d'intérêt entre la société LB et la SCI LP. Les juges considèrent que le fait que la présidente était à la fois associée de la SCI LP (à hauteur de 12.5%) et de la société LB (à hauteur de 80%) suffit à établir que les parties à la distribution des titres des 19 SCI se trouvaient en relation d'intérêts.