2. Faits et procédure
Le 28 novembre 2007, une société procède à l’absorption de sa filiale à 100% par voie d’une transmission universelle de patrimoine avec effet différé au 1er janvier 2008. Au titre de l’exercice clos en 2007, la société confondante a déduit de son résultat des provisions pour dépréciation de titres de participation et au titre de l’exercice clos en 2008 un mali de confusion consécutivement à l’annulation des titres de sa filiale. Les deux exercices 2007 et 2008 étaient déficitaires.
A l'occasion d'un contrôle, l'administration a remis en cause ces déductions, et considérant que le reliquat du montant total des déficits générés par la société (incluant celui généré par ces déductions) a été imputé sur les bénéfices réalisés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 (non prescrits), et a rectifié en conséquence les résultats de ces exercices.
Pour s’opposer à ce redressement, la société se prévalait de l’absence de règle légale imposant un ordre d’imputation des déficits, et indiquait que les déficits litigieux subis au titre des exercices 2007 et 2008 avaient été imputés sur les bénéfices réalisés au titre de l’exercice clos en 2010 (exercice prescrit), de sorte que l’administration ne pouvait plus en demander la correction. Seuls demeurant ouverts à investigation les déficits dégagés sur des exercices ultérieurs.
Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande en jugeant que les déficits subis sur plusieurs exercices, sont indistinctement cumulés pour leur imputation sur les bénéfices réalisés ultérieurement et ne peuvent être isolés selon l'exercice au cours duquel ils sont nés. Selon le tribunal, la société ne pouvait donc valablement soutenir qu’elle avait imputé en priorité les déficitsdes exercices 2007 et 2008 sur le bénéfice de l’exercice 2010 puisque les déficits étaient au cas d'espèce fondus dans une totalité et ne pouvaient donc plus être rattachés à leur exercice d’origine à partir du moment où ils avaient été reportés sur les exercices ultérieurs. Les déficits n’étant pas millésimés selon leur origine, aucun ordre d’imputation ne pourrait ainsi être opéré.
3. Décision rendue sur appel de la société
La Cour administrative d'appel de Paris rejette l'appel de la société.
La Cour confirme l'absence de règle imposant un ordre d'imputation des déficits mais semble admettre de façon pragmatique qu'une société affirmant avoir imputé en priorité ses déficits reportables les plus anciens puisse en apporter la preuve.
En l'espèce, la Cour a toutefois considéré que la société n'apportait pas cette preuve, de sorte que le reliquat de déficits reportables de la requérante constaté à l'ouverture de l'exercice non prescrit clos en 2013 résultait indistinctement de l'ensemble des résultats déficitaires des exercices prescrits concernés dont l'administration fiscale était, par suite, en droit de vérifier le montant.
4. Portée
La Cour administrative d'appel de Paris semble admettre la possibilité pour les entreprises de démontrer l'ordre d'imputation de leurs déficits à condition d’apporter la preuve d’une telle imputation.
A noter toutefois qu'en pratique, le Cerfa 2058-B permettant le suivi des déficits ne prévoit pas, en tant que tel, la possibilité pour les entreprises de détailler, par exercice, les déficits constituant le montant total restant à reporter à la clôture.
Dans l’attente d’une décision potentiellement différente du Conseil d’Etat, les contribuables souhaitant se prévaloir d'un ordre d'imputation particulier devraient donc veiller à documenter l’imputation des déficits selon leur origine (e.g., annexe libre jointe à la liasse permettant le suivi de leur réserve déficitaire en prenant soin d'indiquer l'exercice de constatation du déficit et le ou les exercices d'imputation).